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Des betteraves sinon rien ?

Des betteraves sinon rien ?

Automne ou printemps, quête de chasse ou grande quête ; perdreaux, faisans ou encore bécasses ou bécassines : que retirer des concours et quel regard doit porter le chasseur sur toutes ces épreuves qui, parfois, lui semblent bien éloignées de la chasse, du moins celle qu'il pratique.

Le printemps est l'épreuve reine pour les amateurs de field-trials, celle qui met en avant le brio, le style et une certaine prise de risque. Les champs de blé verts de mars et avril sont le support à de véritables olympiades où l'on évalue les qualités naturelles des chiens : plus que le dressage, c'est l'excellence de l'allure et de la prise de point qui détermine le classement. Il s'agit de véritables épreuves sportives car le gibier n'est jamais tiré et l'on exige pas d'arrêts utiles. Le champion de printemps s'élance au grand galop et s'immobilise à 150 mètres des juges et de son présentateur ; celui-ci court le servir le plus vite possible quand, arrivé à 50 mètres de lui, le couple de perdrix gicle à 15 mètres devant le trialer. Aussitôt, il tire un coup de pistolet à blanc et termine en marchant pour aller raccrocher son chien parfaitement stoïque au départ des oiseaux. Avec un parcours académique et en style de la race, c'est un excellent, voir un CACT sur le carnet de travail. A la chasse, impossible de tirer ces perdreaux, ils seraient hors de portée... C'est la remarque que pourrait faire n'importe quel chasseur. En réalité, ce qui est jugé c'est le chien : son style, sa vitesse, l'étendue de sa quête, sa puissance de nez, son arrêt etc... Bref toutes les qualités naturelles que l'on recherche chez un chien d'arrêt. L'arrêt devient un grand point !

La grande quête, c'est encore un autre monde et il n'y a aucune question à se poser : les chiens sont des prototypes des races britanniques et c'est un sport à part entière réservé essentiellement à des professionnels passionnés de cette discipline très exigeante.

Il en est tout autrement de l'automne et tout spécialement du gibier tiré où c'est plus particulièrement l'aptitude au dressage et donc la facilité d'utilisation d'un chien à la chasse qui sont jugées. Le champion de Gibier Tiré explore méthodiquement son terrain puis finit par bloquer un faisan piétard ; juges, fusils officiels et présentateur le rejoignent en marchant ; après un coulé prudent, l'oiseau décolle et est désailé par l'un des tireurs. Le chien n'a pas bronché à l'envol et au coup de feu en regardant le coq planer au dessus des betteraves pour finir par tomber : il est assis à côté de son conducteur et attend l'ordre du rapport. Quelques minutes plus tard, il revient au grand galop, le faisan en travers de la gueule :assis donné à la main. Ce sera aussi un excellent ou un CACT avec un parcours adéquat. Bien entendu, le juge va tenir compte de l'allure mais ses critères seront beaucoup plus axés sur les qualités de chien de chasse pratique et le dressage du sujet qui lui est présenté.

En fait, le juge va choisir son CACT de printemps comme s'il devait désigner le chien qui lui paraîtrait le meilleur représentant de la race et donc, potentiellement le meilleur reproducteur. Son CACT de gibier tiré désignerait le chien avec qu'il préférerait sans doute aller à la chasse.

Peu importe que le chien de printemps arrête dans des conditions extrêmes où il est quasi impossible d'approcher les oiseaux : il a réussi à le faire, c'est l'essentiel ; il démontre ainsi des qualités extrêmes qui permettent de le départager des autres et donc, d'établir un classement. Par contre, il faut un grand équilibre pour accepter toute la gymnastique du dressage de gibier tiré : de la passion alliée à une sagesse parfaite et exemplaire sur le gibier.

Le grand pilote Jacques Lafitte explique ainsi ce qui fait la différence entre un pilote de formule 1 et un pilote de rallye : la différence entre ces deux pilotes est que le premier est capable de passer une grande courbe à 280 Km/h tandis que le second passera à 260 Km/h ; sur une route de montagne, cet écart ne se voit pas et n'est pas utilisable pour faire la différence, ce sont d'autres qualités plus pratiques qui entrent en jeu.

Les concours de betteraves ont cet avantage de permettre de juger du dressage et des allures, ce qui n'est pas le cas des concours en forêt où les chiens sont moins visibles. Par contre, le chien doit avoir plus de self-control car il est très souvent hors de la vue de son conducteur, ce qui peut autoriser moins de sagesse sur l'attente en arrêt. Au coup de feu, il est beaucoup plus tentant de partir en plaine car le chien voit l'oiseau tomber, ce qui est peu fréquent au bois où, de ce fait, les rapports peuvent être plus compliqués. Arrêter un faisan même d'élevage dans les betteraves n'est pas chose si facile : un jour elles sont rases et les oiseaux volent dès que le chien est en arrêt, le lendemain, elles sont hautes et ils ne veulent pas voler... Les dresseurs qui participent le savent bien : impossible de tricher, il faut un chien très sûr parfaitement dressé.

Les concours de gibier tiré sont souvent décriés par les mordus du printemps mais c'est tout de même un passage nécessaire pour un dresseur professionnel car c'est l'exercice qui est le plus proche du dressage de chasse pratique. Si les chasseurs s'intéressent au résultats de printemps pour repérer les bonnes origines et ils ont raison, ils peuvent également repérer les dresseurs qui n'évitent pas le Gibier Tiré pour avoir un chien de chasse bien dressé, et ils n'ont pas tort...

A l'heure où les concours de betteraves rassemblent de moins en moins de chiens et tout particulièrement de britanniques, il serait grand temps de les défendre car il faut bien reconnaître que cela reste le dernier terrain de chasse en plaine du Bassin Parisien.

L'une des meilleures incitation serait peut-être que le champion de printemps obtienne au moins un excellent de Gibier Tiré pour homologuer son titre et démontrer ainsi qu'il est encore et toujours utilisable à la chasse. Cela était la règle dans le passé mais ce n'est plus d'actualité dans les règlements actuels... Aujourd'hui, la cynophilie a tendance a donner des étiquettes et à s'enfermer toute seule dans des spécialisation idiote : on finit par scier la branche sur laquelle on est assis.

D'autres épreuves ont lieu sur d'autres gibier et, à mon sens, ce qui permet de dire s'il s'agit d'épreuves sportives ou de chasse, c'est sans conteste si le coup de feu est autorisé quand le gibier vole hors de portée du fusil. Une épreuve sur bécasse ou le point est accordé quand le concurrent tire à 20 mètres de son chien alors que l'oiseau ne peut pas être tiré est, de ce fait, une véritable épreuve sportive. Si on exige un arrêt utile, c'est à dire qui permet le tir, on est alors beaucoup plus proche de la réalité de la chasse.

En conclusion, les plus grands champions ont gagné dans toutes les disciplines.

Thierry Hamon
Dresseur professionnel

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