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L'Espagne

Les aoûtiens ne retiendront que la paëla, les plages de sable blanc et les tapas. Au mieux iront-ils voir une corrida... Nous, dresseurs et amateurs de chiens d'arrêt avons la chance de rencontrer la vraie Espagne, celle de l'Andalousie, loin des congés payés et des embouteillages à la « Frontera ». L'Espagne des andalous, des taureaux et aussi celle des perdrix rouges.

Dès novembre, chacun programme son voyage, recense le nombre de chiens qui vont être du voyage, renoue avec ses contacts espagnols pour savoir si la saison de chasse a été bonne et si la densité d'oiseau laissée sur les terrains laisse augurer de belles journées d'entraînement. Certains n'hésitent pas à faire un voyage de reconnaissance pour finaliser des accords pour de nouvelles « Fincas » à louer. Le « Business » va bon train mais à l'espagnol, c'est  dire que la seule chose qui est constante, c'est que tout change d'un jour à l'autre. Telle finca est reprise par les italiens qui ont offerts le double du prix de location  telle autre n'est plus à louer : les bulldozers l'ont envahie et déjà les premières éoliennes pointent triomphalement vers le ciel  « azur ».

Enfin nous y sommes, quasiment 2500 km à parcourir pour les « Chti's » avant d'atteindre ce paradis des gallinacées : une vraie volière à ciel ouvert et ce nouvel Eldorado des dresseurs... Dans certains endroits, il y a plus de dresseurs à l'hectare que de perdreaux. Les perdrix courent par paquet de 10 ou 12 sur les chemins pour se réchauffer, il est 10 h du matin et il ne fait que 3°, à peine plus chaud quand France. Ca y est, on est dans le bain et c'est peu dire puisque depuis le 15 janvier, il ne fait que pleuvoir, pleuvoir et encore pleuvoir. L'eau, Agua, c'est ici le principal ennemi du dresseur : les champs sont gorgés de flotte, les chemins sont impraticables et les perdrix se réfugient sous les oliviers, dans les labours mais fuient tout se qui ressemble à du blé : c'est bien notre chance.

Progressivement, le temps change et vers le début février, les conditions d'entraînement s'améliorent pour finir par devenir parfaite vers le 15 février. En Espagne, il y a toujours une semaine magique où tout va à merveille : du soleil, des perdrix bien accouplées et une bonne hauteur de blé et c'est un bonheur de voir tous les chiens prendre des points à chaque parcours. Chacun se prend pour le roi des dresseurs tellement tout déroule. En général, la première semaine, c'est un peu panique sur la plaine : beaucoup de chiens découvrent tout et on a toujours l'impression de n'avoir rien fait après 10 jours de travail. Les perdrix ne sont pas non plus très coopératives car elles ne sont pas encore vraiment en couple car il ne fait pas assez chaud l'après-midi, il faudrait au minimum 21 ou 22° alors qu'il ne fait que 17 ou 18 °. La fatigue de 5 à 6 heures de marche chaque jour avec des creux, des bosses encore des creux et encore des bosses ne contribue pas à l'optimisme ; Puis, passée cette première décade difficile, un morceau de ciel bleu commence à apparaître : les chiens commencent à vraiment explorer leur terrain et à remonter les émanation : ils cherchent les oiseaux et les trouvent. Arrêt, sagesse, quête... Tout ce qui semblait inexistant, il y a seulement quelques jours commence à se voir. Quel satisfaction de se rendre compte que le travail paie et que les progrès sont déjà bien visibles. J'ai beau venir tous les ans, tous les ans, j'ai cette même sensation de ne rien faire la première semaine et c'est très certainement dû au fait que je sais que le temps est compté.

L'Espagne, on est impatient d'y aller mais on est aussi très content de revenir en France : les « Ristorante » où les types semblent parler avec un haut-parleur dans la gorge, la «  guarda civil » qui ne manque pas une occasion de vous montrer qu'elle est encore puissante et intouchable, les menus qui sont très exactement les mêmes de Cordoba à Jeres : Ensalada mixta, merluzza à la plancha, enspaghettis etc... Seul le prix change et la rapidité du serveur à faire suivre les plats. Ce dont je suis certain c'est de ce que tout le monde va regretter : le prix du gaz-oil à 0,81 € le litre.

Alors certains diront que l'Espagne, c'est un peu les vacances et aussi du business. Oui, si on veux, je suis d'accord mais c'est tout de même avant tout des chiens qui prennent des dizaines et des dizaines de points en plein mois de février avec un blé de 15 à 20 cm de haut, sans voir pratiquement aucun lièvre, c'est tout de même un sacré bon début dans la vie d'un champion potentiel. Quant aux chiens plus expérimentés, c'est quand même aussi l'occasion de participer à de très beaux concours et d'être déjà dans l'ambiance de la compétition 1 mois avant les premières épreuves en France.

Du business... On travaille et même très dur pour certains, on ne vole personne et puis les 5 à 6 heures de marche tous les jours... Les 15 ou 20 chiens qu'il faut gérer pendant trois semaines avec la première pissette à 7H30 le matin au milieu de rien et la dernière vers 10H30, toujours au milieu de rien...Il faut venir sur place et vivre au cul du camion pour comprendre que tout n'est pas forcément comme on le croit.

Thierry Hamon

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